Aujourd’hui, Luis Enrique est l’entraineur du PSG mais c’est bien le FC Barcelone qu’il a marqué de son empreinte, d’abord comme joueur, puis surtout comme coach. Architecte d’une machine offensive destructrice emmenée par le trio Messi-Suarez-Neymar, l’Asturien revendique l’une des pages les plus glorieuses du club catalan.
«Je suis un culer et je continuerai à être un socio du Barça jusqu’au jour de ma mort, mais j’espère pouvoir atteindre la demi-finale avec le PSG.» Il faudra ranger le cœur et les sentiments au vestiaire pour Luis Enrique. Le tirage au sort des quarts de finale lui a réservé une belle surprise : affronter le club dont il est fan (avec Gijon) depuis toujours. Cette fois, c’est la raison qui devra l’emporter, lui l’entraîneur parisien. Pragmatique en public, le technicien de 53 ans sera probablement très sensible à cette double confrontation. Ancien joueur du Barça entre 1996 et 2004 avec il remporta deux Liga en 1998 et 1999 et une Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe… face au PSG en 1997, l’Asturien s’est aussi distingué en portant le club catalan sur le toit du monde une fois sur le banc de touche.
Quand il débarque à l’été 2014, le Barça est en légère perte de vitesse. La saison précédente a été marquée par la maladie de Tito Vilanova, remplacé au pied levé par Tata Martino. La greffe n’a pas vraiment pris malgré une première saison encourageante de Neymar en Espagne. Luis Enrique doit transmettre son autorité et son exigence à un effectif qui s’est un peu reposé sur ses lauriers après les succès des saisons précédentes, notamment avec Guardiola. Fabregas, meilleur passeur du club, et Alexis Sanchez sont partis, Victor Valdes n’est pas renouvelé et Puyol a pris sa retraite. Le club mise sur Rakitic, le duo Ter Stegen-Bravo dans les buts et surtout Luis Suarez, acheté 81 M€, mais qui ne peut jouer en compétition officielle avant la fin octobre, suspendu par la FIFA après avoir mordu Giorgio Chiellini à la Coupe du Monde.
Une brouille presque fatale entre Messi et Luis Enrique
Malgré ça, et en plus d’une interdiction de recruter lors des prochains mercatos, le début de saison est presque parfait. 7 victoires et un nul pour les 8 premières journées de Liga, aucun but encaissé, seule la défaite contre le PSG en phase de poules (3-2) vient contrarier cette série. Comme souvent, c’est le Clasico qui vient rompre ce calme apparent. Au Santiago-Bernabéu, la première titularisation de Suarez et l’ouverture du score de Neymar n’empêchent pas le succès madrilène 3-1. L’invincibilité de Claudio Bravo aura tenu 754 minutes et le Barça s’incline à nouveau le week-end suivant face au Celta de Vigo, club encore entraîné par Luis Enrique 5 mois auparavant. C’est finalement la solidité des Blaugranas qui marque les esprits, bonifiée par Messi devenu meilleur buteur de l’histoire de la C1 en novembre, et un Neymar montant en puissance.
De son côté, Luis Enrique interpelle par son côté imprévisible. Après 22 matchs officiels, il n’a encore jamais aligné le même onze de départ mais le trio offensif Messi-Suarez-Neymar prend forme, à l’image de ce succès face au PSG (3-1, un but chacun) lui permettant d’obtenir la 1ère place du groupe en Ligue des Champions. Un impondérable a bien failli être fatal au technicien. En janvier, pour le premier match de l’année 2015, il commet un crime de lèse-majesté en faisant débuter Messi sur le banc lors du déplacement à Anoeta contre la Real Sociedad. En plus de la défaite (1-0), la Pulga ne digère pas cet affront. Il se fait porter pâle pour l’entraînement du lendemain mais «personne n’y a cru» rapporte Marca. La vérité est ailleurs. La relation avec son entraîneur est devenue exécrable après six mois seulement. Certains médias évoquent même «un divorce total» entre les deux hommes.
La naissance de la MSN
L’emballement médiatique devient même irréel lorsque le compte Instagram de l’Argentin se met à suivre d’un seul coup les comptes de Thibaut Courtois, Filipe Luis, deux joueurs de Chelsea, ainsi que le compte officiel… des Blues. Il faut l’intervention de Xavi pour rabibocher les deux hommes. Pourtant, le capitaine du Barça comprend qu’il est au crépuscule de son aventure avec son club de toujours, poussé de plus en plus souvent sur le banc par Luis Enrique qui lui préfère Rakitic. « Luis Enrique a compris qu’il fallait adapter sa manière de faire à son vestiaire de stars, rembobinait Toni Freixa, l’un des dirigeants de l’époque à L’Equipe. En fin de compte, l’épisode d’Anoeta a contribué à faire de cette saison une réussite. » Passé tout proche de la catastrophe, voire d’une séparation en pleine saison, le groupe et le coach mettent chacun de l’eau dans leur vin, les bons résultats aidant.
La seconde partie de saison est une véritable ode au football, une démonstration de puissance. Cette équipe devient invincible ou presque (une seule défaite en Liga contre Malaga, 1-0) et très spectaculaire. Là où le Barça de Guardiola misait sur le mouvement permanent et le redoublement de passes en attendant l’ouverture, donnant parfois l’impression de ronronner et de rendre le jeu passif, celui de Luis Enrique opte pour un football de transition particulièrement rapide. Les lignes sont resserrées et veulent aspirer l’adversaire pour permettre une récupération efficace et une projection immédiate vers l’avant. Il s’agit de toucher les trois attaquants en quelques passes seulement. La création du concept de MSN est née. La tactique est dévastatrice pour toutes les défenses. Messi, Suarez et Neymar aussi amis sur qu’en dehors des terrains, enchaînent les prestations de hautes volées, et surtout les buts.
Des festivals et des records
Le mano à mano avec le Real Madrid est intense jusqu’au bout. Les Catalans, leaders au soir de la 26e journée, et vainqueurs du Clasico (2-1) deux journées plus tard ne lâcheront plus jamais la tête, sacrée avec deux points d’avance. Certains résultats donnent encore le tournis : 4-0 à La Corogne et Almeria, 6-0 à Elche, 5-2 à Bilbao, 5-0 contre Levante, 6-1 face au Rayo, 6-0 contre Getafe et même 8-0 infligé à Cordoue. Même chemin en Copa del Rey jusqu’à la victoire finale mais c’est bien la Ligue des Champions qui frappe encore plus les esprits. Aucune chance n’est laissée à Manchester City (2-1 et 1-0) puis au PSG (3-1 et 2-0), avant de faire voler en éclats le Bayern Munich de Pep Guardiola en demi-finale aller (3-0). La défaite au retour 3-2 n’entravera pas la route vers la finale où la Juventus de Pogba ne fera pas le poids (3-1), malgré une réelle résistance.
Ce Barça entre déjà dans l’histoire. 175 buts ont été inscrits sur l’ensemble de la saison, soit quasiment une moyenne de 3 par match. Bien sur, Messi (58 buts), Neymar (39) et Suarez (25) sont les grands artisans de ce feu d’artifice offensif, qui aurait pu être encore plus explosif sans une blessure de l’Argentin de 7 semaines, et la suspension jusqu’à la fin octobre de l’Uruguayen. La MSN prend le dessus sur sa rivale déclarée : la BBC (Bale, Benzema, Cristiano Ronaldo) du Real Madrid. Les marques historiques de ce Barça ne s’arrêtent pas là. Sur toute l’année 2015, les records tomberont les uns après les autres : 39 matchs de suite sans défaite, 180 buts marqués sur une année civile (record du Real Madrid - 178 - en 2014 battu), dont 138 buts pour l’infernal trio (48 pour Messi et Suarez, 42 pour Neymar). La BBC s’était arrêtée à 108.
L’ère Luis Enrique à jamais dans l’histoire du Barça
L’équipe de Guardiola avait réalisé le sextuplé en 2009, celle de Luis Enrique s’offrira un quintuplé (Ligue des champions, Liga, Coupe du Roi, Supercoupe d’Europe, Coupe du monde des clubs). Seul l’Athletic Bilbao d’Ernesto Valverde viendra contrarier cette hégémonie en s’adjugeant la Supercoupe d’Espagne. La suite sera plus contrastée malgré un nouveau Ballon d’Or pour Messi, le Soulier d’Or pour Suarez, un trophée d’entraîneur de l’année pour Luis Enrique, et un doublé coupe-championnat en fin de saison. Le caractère éruptif du coach laisse des traces auprès des cadres, notamment Messi avec qui la relation a toujours été difficile. Les erreurs de recrutement (Turan, Mathieu, Vermaelen, Aleix Vidal, Alcacer, André Gomes, Digne, Denis Suarez, Cillessen) contribuent à cet étiolement. La Liga est abandonnée au Real et la remontada en mars 2017 aura été le dernier moment de bonheur de cette ère (2014-2017), qui place ce Barça parmi les grands de l’histoire.
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