À 32 ans, Eden Hazard a dit stop. Une fin de carrière prématurée, qui ne fera pas oublier l’immense footballeur qu’il était. De La Louvière à Lille, en passant par Chelsea et le Real Madrid, récit d’un joueur spécial.
La planète football s’est arrêtée ce mardi matin. Eden Hazard, 32 ans, a annoncé mettre un terme à sa carrière de footballeur professionnel. Une fin, à la fois terrible et tragique, mais pas surprenante. Le Belge était sans club, et malgré quelques sollicitations à droite à gauche, l’ancien Madrilène ne souhaite pas forcer, plus forcer. Son corps ne lui permet pas d’enchaîner. Les blessures lui ont tout pris. Pourtant, débarquer au Real Madrid était son rêve. Rêve qu’il réalise à l’été 2019, après avoir dominé - une fois de plus - Arsenal en finale de la Ligue Europa à Bakou (4-1). Mais tout ne s’est pas passé comme prévu.
Si Eden Hazard peut se vanter d’avoir bien rempli son armoire à trophées chez les Merengues, les titres remportés n’ont pas eu le goût escompté. L’ailier gauche n’a disputé que 76 rencontres de Liga, en 4 saisons. Le bilan est terrible : 4 buts et 9 passes décisives. En Ligue des Champions, c’est pire, avec seulement 948 minutes jouées. Hazard était sur le banc, ou à l’infirmerie. Son début de partie face au Paris Saint-Germain en novembre 2019, quelques mois après son arrivée en Espagne, laissait pourtant beaucoup d’espoir à la Casa Blanca, mais le tacle bien trop appuyé signé Thomas Meunier a eu plus d’impact que prévu. À vrai dire, il n’en est jamais revenu. Et ce malgré les tentatives du joueur et de son staff médical. Un transfert à 115 millions d’euros qui s’avère ainsi être un échec, total.
La Ligue 1, pour se révéler et exploser aux yeux du monde
La fin de carrière décevante d’Eden Hazard n’effacera jamais son empreinte laissée dans l’Hexagone, au nord de la France surtout. C’est au LOSC que le tout jeune Belge fera ses débuts à 16 ans. Et il fait déjà des misères. Agile, rapide et incisif, le natif de La Louvière se régale à Lille et permet aux Dogues de retrouver les sommets. Comme lors de cette fameuse saison 2011-2012, inoubliable. Cette année là, Hazard inscrit 20 buts et délivre 18 caviars en 38 journées, un an après avoir été sacré champion de France avec le LOSC. Une campagne dont seul Kylian Mbappé s’est approchée, en 2021-2022 (28 buts, 17 passes décisives).
Le Belge a du culot et n’est définitivement pas comme les autres. Lors de cette même année, en 2012, juste avant son dernier match face à Nancy, Eden Hazard s’est autorisé une sortie… pour le moins nocturne. Rio Mavuba raconte dans Le Vestiaire : «Mais bon, on avait rendez-vous le lendemain matin dans un hôtel à 10h. À l’hôtel justement, Marko Basa ouvre une porte et dit : 'Mais qu’est-ce que tu fous là comme ça toi ?' J’avais pas vu, mais il parlait à Eden. Là, le petit lui répond : 'Ouais, j’ai pas eu le temps de rentrer chez moi’. En fait, Eden, à ce moment-là, il était encore bourré. Puis la journée s’enchaîne, le soir on affronte Nancy. Même pas 30 minutes de jouées, Eden avait déjà collé un triplé. Le gars n’avait même pas dormi, il avait bu toute la nuit et il a fini par claquer un triplé en 30 minutes». Une victoire 4-1 du LOSC, un hat-trick pour la "der des der" signé Eden Hazard, sûrement encore alcoolisé. Une belle manière de dire au revoir à la Ligue 1 et aux supporters lillois pour celui qui devait s’envoler vers Manchester United, avant que Didier Drogba ne fasse de Chelsea le nouveau champion d’Europe. Tottenham a même été un temps annoncé comme l’heureux élu, mais c’est finalement bien à Stamford Bridge qu’Hazard avait décidé de poser ses valises.
Stamford Bridge, le jardin d’Eden
Avec son tout nouveau numéro 17 au dos, ses gants et sa barbe mal taillée, le génie belge atterrit dans le sud-ouest de Londres, à Chelsea. Une équipe des Blues vieillissante qui voit ses plus grandes légendes décliner. Eden Hazard va insuffler un nouveau souffle. Dès son premier match contre Wigan (0-2), l’ex-joueur de Lille met tout le monde d’accord. «C’est génial de jouer avec lui», disait Frank Lampard au coup de sifflet final. Une performance de haut-vol. La première d’une aventure longue de 7 saisons en Angleterre. Placé sur l’aile gauche, Eden navigue et possède déjà une grande liberté. Il fait ce qu’il veut. Chelsea redevient sexy et décroche la Ligue Europa dans la foulée, en 2013. Le meilleur est à venir.
Chez les Blues, le meneur de jeu, c’est lui. Et l’Angleterre est très vite tombée sous son charme. Eden Hazard est le "fan favorite" de la Premier League. Tout le monde l’adore. Il faut dire que ses buts venus d’ailleurs rendent les supporters bouche bée. Comme sur son but en solitaire en 2015 sur la pelouse d’Anfield, ou celui en septembre 2018, il y a 5 ans, en Carabao Cup. Sans parler de son run face à Arsenal en 2017 qui avait mis Francis Coquelin à terre, ainsi que toute la défense des Gunners. Eden Hazard a marqué des buts devenus mythiques, sans que ce soit pour autant sa grande force. Les Spurs s’en souviennent. En 2015-2016, le Belge connait quelques difficultés et les Blues terminent à la 10e place du championnat. Mais lors du "Battle of the Bridge" qui oppose Chelsea à Tottenham (2-2), Hazard va inscrire l’un des buts les plus iconiques de l’histoire récente de la Premier League pour permettre à Leicester, par la suite, de devenir champion.
Le meneur de jeu enchaîne les saisons folles. Il est au four et au moulin d’une équipe des Blues qui termine en tête du championnat en 2015 (sous Mourinho, 14 buts et 10 passes décisives) et en 2017 (sous Conte, 16 buts et 5 assists). Pourtant, l’équipe autour de lui n’est pas aussi incroyable que ça. Eden Hazard n’a pas eu la chance de connaître le prime de Didier Drogba, Frank Lampard, John Terry, Ashley Cole ou encore Petr Cech. Non. Mais le Belge fait briller ses collectifs. Il n’aura eu besoin que des Willian et autres Victor Moses pour élever Chelsea au sommet, et viendra conclure son histoire d’amour avec le club londonien en Azerbaïdjan. Le 29 mai 2019, alors que le monde sait d’office qu’il s’agit du dernier match d’Hazard à Chelsea avec un Real Madrid qui pointe le bout de son nez, l’ancien du LOSC va réaliser une prestation XXL, en finale face à l’ennemi Arsenal. Une rencontre gagnée par les Blues (4-1). Un doublé et une passe décisive pour le maestro, qui quitte l’équipe menée par Maurizio Sarri sur un nouveau sacre en Ligue Europa. Le deuxième pour Hazard, en autant de participation dans la compétition sous la tunique bleue. Légendaire.
Un romantique du jeu, parfois frustrant
Inutile de retracer la carrière d’Eden Hazard sans aborder son passage, catastrophique, au Real Madrid. Mais le Belge a peut-être subi les conséquences d’un professionnalisme loin d’être irréprochable. Si le natif de La Louvière n’a jamais fait parler de lui en mal, hormis son accrochage en janvier 2013 avec un ramasseur de balle qui ne voulait pas lui donner le ballon, il a sans doute manqué à l’ex-capitaine des Diables Rouges cette ambition et cette mentalité nécessaires pour rejoindre les plus grands. Eden est un bon vivant. Chelsea était habitué à le voir revenir l’été avec quelques kilos en trop, mais à 30 ans, cela ne passe plus, surtout au Real Madrid. En Ligue des Champions, le Belge a également montré quelques limites quand il fallait amener Chelsea plus loin qu’en 1/2 finale. Même si son équipe n’était pas des plus talentueuses et n’a jamais vraiment été taillée pour la C1. «Quand je parle souvent à Eden Hazard, je prend l’exemple de Ronaldinho qui était le meilleur joueur du monde ou le meilleur joueur de tous les temps parce qu’il était incroyablement fort. Mais seulement, un joueur qui ne s’entraîne pas tous les jours, au bout d’un moment donné, ça paye cash. Tu peux être Ronaldinho ou Messi, si tu ne t’entraines pas, au bout de deux ans, on t’oublie. Le football va tellement vite, qu’il y aura un autre gamin qui va naître et qui sera encore plus fort», racontait Samuel Eto’o qui avait déjà vu juste sur beIN Sport en 2014, bien avant que l’ailier gauche ne vienne plomber sa carrière à Madrid.
Il a manqué à Hazard cette envie, cette rage, cette motivation pour passer d’un des meilleurs ailiers, dribbleurs et créateurs du 21e siècle à l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, tout court. Il n’est pas le seul, et ne sera pas le dernier à connaître une fin de carrière décimée par les blessures et l’irrégularité. Ronaldinho est passé par là, mais a gagné un ballon d’Or, ainsi que la Coupe du Monde. Neymar fait également partie des éternels joueurs que le monde aurait souhaité voir aller plus haut encore. Mais c’est peut-être ça aussi, la beauté du sport. Des hauts, et des bas. Eden Hazard a marqué l’histoire récente du ballon rond, Lille, Chelsea, son pays, la Belgique, en amenant cette petite nation par la taille à un podium de Coupe du monde, en 2018. Des distinctions individuelles, il en a eues : 2x meilleur espoir, 2x meilleur joueur et champion de Ligue 1 avec le LOSC ; 1x meilleur jeune joueur de l’année, 1x meilleur joueur et plusieurs fois dans le XI-type de l’année avec Chelsea. Sans compter 1 titre de champion de France avec 1 Coupe de France pour Lille, 2 titres de champion d’Angleterre, 1 FA Cup, 1 League Cup et 2 Ligue Europa pour les Blues, ou encore 2 trophées de champion d’Espagne, 1 Coupe du Roi, 2 Supercoupe d’Espagne, 1 Ligue des Champions, 1 Supercoupe UEFA et enfin 1 Coupe du Monde des clubs avec le Real Madrid, malgré le goût amer et une importance dans ces sacres à relativiser. Eden Hazard aurait-il pu faire mieux ? Oui, sûrement. Est-il un énième talent gâché ? Pourquoi pas, selon certains. Ce qui est sûr, c’est que le Belge a mis son pays sur la carte, a illuminé le nord de l’Hexagone par ses frappes surpuissantes, fait gagner un Chelsea peu bling-bling à ce moment-là par ses dribbles afin de rentrer, pour toujours, dans le cœur des amoureux du football.
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